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Fêtes de fin d'année : Plaisir ou Obligation, Joie ou Stress

 

Les fêtes de fin d’année, 8 français sur 10 les considèrent comme un moment convivial et de joie[1]. En y regardant de plus près, un tiers vit cette période avec un sentiment de contraintes et de stress divers. On relève également, qu’un quart des sondés sont indifférents à ces festivités [2]. La « psy » que je suis interroge cette indifférence, est elle pour prendre le contrepied ou est ce un sentiment de pas être concerné, de ne pas avoir d’intérêt ? Toujours est-il que ces fêtes de fin d’année font parler et couler de l’encre.

 

La fin d’année est chargée émotionnellement. Nous sommes à la fin de l’automne, l’hiver débute. Nous entrons dans la phase hivernale où les animaux et les végétaux se mettent en léthargie. Dans cet endormissement naturel, les Hommes, quant à eux, s’affairent. Ils ont passé la période surchargée de la rentrée, ils finissent la période stressante des bilans de fin d’année, ils s’empressent dans les préparatifs des fêtes de fin d’année.

Le temps d’ensoleillement décroît pour laisser la place à la grisaille, au froid, à la nuit. Nous nous levons le matin, le soleil n’est pas encore là. Nombreux sont ceux qui partent travailler alors qu’il fait encore nuit. Nous rentrons en fin de journée, le jour décline ou l’obscurité est déjà installée. Dans ce marasme hivernal, Noël promet des rires, des cadeaux, de la féérie, le jour de l’An présage des moments de partage et de déconnection/déconnade.

 

Dans un test d’évaluation du niveau de stress[3], Noël est cité comme un facteur stressant, soit qui engendre une anxiété, un sentiment de pression, des sentiments négatifs : impuissance, perte de contrôle…

Noël, cette fête religieuse a perdu son sens originel. La fête de jour de l’an n’a plus sa valeur d’honorer l’année vécue pour inaugurer la nouvelle. Ce sont aujourd’hui plus des institutions avec leurs codes et leurs obligations, dans lesquelles nous trouvons ou cherchons comment gérer notre rapport aux autres, au monde et que nous pouvons vivre comme des contraintes qui réveillent des blessures, des failles.

 

Notion d’obligation

Nous vivons ces fêtes comme une obligation, soit un engagement dans une coutume annuelle. Nous honorons ces codes par convention. Nous adoptons une attitude de « soumission » aux règles familiales ou sociétales. J’utilise ce terme de soumission en référence à l’Etat du Moi Enfant Adapté Soumis décrit par l’Analyse Transactionnelle[4].

Afin de représenter comment se structure une personne et se mettent en place ses pensées, ses émotions et ses comportements, l’Analyse Transactionnelle définit trois états du moi. A chaque instant, nous utilisons un état du moi particulier.

- Etat du moi PARENT : l’appris (règlements, normes, valeurs, permission/interdiction)

Il est constitué des comportements, sentiments et pensées de nos parents, modèles éducatifs et autorités que nous avons intériorisés depuis notre enfance.

- Etat du moi ADULTE : le réfléchi (processus, méthodes, moyens)

Il permet d’opérer des choix à partit de nos sens, de notre conscience dans l’ici et maintenant et d’agir pour atteindre le but recherché (en son âme et conscience).

- Etat du moi ENFANT : le senti (motivation, créativité, climat, ambiance)

Premier état du moi à se constituer, il est composé des comportements, sentiments, pensées que nous avions quand nous étions enfant. Dans son fonctionnement cet Etat du Moi s’exprime en Enfant Libre et Enfant Adapté. L’Enfant Libre est cette partie qui agit avec spontanéité et créativité. L’Enfant Adapté agit quant à lui en fonction des règles et des normes apprises. Soit il les suit, c’est ce qui est appelé Enfant Adapté Soumis. Soit, il s’y oppose, c’est l’Enfant Adapté Rebelle.

Pour certains, ces fêtes de fin d’année sont vécues comme une institution à la quelle ils se doivent de répondre. C’est comme ça, à Noël c’est en famille et le jour de l’an c’est entre amis. C’est comme ça, à Noël, on va chez mes parents. C’est comme ça, au jour de l’an c’est déguisements et cotillons. C’est comme ça….

Pourquoi pas, tant que cela n’engendre pas d’inconfort ou de mal être. Parfois, ces obligations sont vécues comme des cadres rigides avec lesquels il faut composer sans les remettre en cause. Je dois me rendre chaque Noël chez mes parents, à 500km. Maintenant que je suis en couple et que ma partenaire travaille durant cette période, comment faire ? Ces obligations sont limitantes. Elles enferment les individus dans des stéréotypes qui nuisent à leur créativité, à leur expression propre.

Il est intéressant de s’interroger sur la raison, l’intérêt, l’émotion associés à ce choix de suivre ces normes.

Nous sommes sensibles à être comme les autres, à faires comme les autres. C’est notre ticket de garantie pour nous sentir appartenir, pour nous sentir accepté, estimé par la communauté familiale ou plus largement.

Les cadres sont aussi un gage de sécurité car c’est un support, un référentiel qui nous aide à grandir et nous fortifier. Comme une plante a besoin d’un tuteur. Cette tige externe rigide apporte la structure suffisante pour résister au vent, le temps que la structure interne ligneuse se fabrique. Seulement, suivant les contours du support externe la plante prend une forme, qui peut être une contrainte contre nature. Nous pouvons voir cela avec les topiaires. Ces arbres, arbustes sont modelés pour faire des boules, des cônes, des arceaux, des silhouettes d’animaux, d’objets… Ce sont des formes bien loin des profils naturels des buis. Il faut contraindre, tailler pour que la plante conserve la forme désirée.

 

Notion de contrainte

Les normes, les règles nous donnent un cadre sécurisant, seulement elles peuvent être vécues comme des entraves. Elles empêchent à l’expression de ses propres souhaits et nuisent à la réponse de ses besoins. Je dois aller chez mes parents pour Noël. Puis-je dire que je préférerais aller dans ma belle famille ? C’est un environnement agréable et paisible, bien loin des discordes avec mes parents et des tensions avec les enfants de ma soeur. J’ai besoin de tranquillité après ces jours très denses. Puis je m’autoriser à faire ce qui est bien pour moi, sachant que mon père et ma sœur vont être déçus ou blessés ? Nous nous contraignons aux règles pour faire plaisir, pour ne pas déranger, pour ne pas être rejeté...

Les fêtes avec leurs codes peuvent être vécues comme des contraintes auxquelles nous  nous opposons. La rébellion se manifeste. L’Enfant Adapté Rebelle s’éveille et prend les commandes pour aller à l’encontre, montrer sa différence, affirmer son existence. La tradition de passer Noël dans la maison de famille toutes générations confondues est remise en question avec la volonté de ne pas rentrer dans le moule, avec le désir de ne pas rester sur les rails.

Noël, en famille est le lieu idéal, utilisé par certain, pour venir crier son désaccord, soit en refusant de se joindre à la famille, au groupe, soit en critiquant les modalités des festivités…

Les fêtes de fin d’année sont largement exploitées sur un plan économique, elles sont alors le prétexte de discussion, de positionnement social, politique, philosophique, et positionnement personnel qui mobilise sa part de Rebelle. Certains vont refuser rageusement de faire des cadeaux à Noël sous prétexte que c’est imposé par le dictat de l’économie. Il y a une rigidification des pensées en riposte. Finalement, en souhaitant sortir d’une moule imposé, la personne s’enferme dans un autre moule tout aussi étriqué.

Il ne s’agit pas de s’opposer pour être contre, en prenant juste le contre-pied. Il s’agit de se différencier pour trouver sa propre forme. Nous avons besoin pour nous construire de cette part de rebelle en nous. Elle nous autorise de nous affranchir de certaines règles, normes, valeurs qui ne nous conviennent pas. Elle nous permet, en lien avec notre Enfant Libre, de construire du neuf. Avec notre Adulte, nous développons nos propres choix. L’Enfant Adapté Rebelle est un levier qui nous permet de nous décoller de nos moules pour chercher et trouver ce qui nous convient, et ainsi développer notre autonomie (auto : soi, nomos : loi). Ce qui signifie développer sa capacité de faire ses choix en son âme et conscience, soit exempts des règles non assimilées et des sentiments non digérés, avec un Adulte intégré.

Ah, les cadeaux ! Quelle gageure de trouver le bon cadeau, au bon tarif ! C’est la cohue dans les magasins, l’effervescence dans les méninges. Quelles contorsions et surcharges mentales nous nous mettons pour dénicher le cadeau qui fait plaisir, sans se ruiner, sans non plus être chiche. Cela peut être une contrainte et aussi un moyen d’éveiller les problématiques relationnelles que nous rencontrons avec les personnes de notre entourage.

 

Notion de blessure

Victoire trouve que la valeur du cadeau faite à son frère est supérieure au sien. C’est normal, son frère a toujours eu les faveurs de ses parents, elle a toujours été la dernière roue du carrosse. Si je propose à mon ami Pierre de venir au réveillon sans le proposer à Victoire, cela va engendrer un scandale. Aie ! Aie ! Aie ! Victoire évalue ainsi l’estime qu’on lui porte.

En fait ces fêtes sont le lieu de tous les jeux psychologiques. Ce sont des dispositifs inconscients et non volontaires qui sont mis en place pour confirmer et alimenter des croyances que nous avons sur nous ou sur notre monde environnant.

Victoire peut avoir la croyance qu’elle est mal aimée, si elle n’est pas invitée cela va confirmer cette pensée. Elle ne pourra pas imaginer dans un premier temps que c’est parce Pierre vient avec sa compagne qu’elle ne supporte pas et que c’est pour la préserver.

Qu’est ce que c’est ce cadeau ? Il ne me convient pas, il n’est pas pour moi… vraiment ils ne me connaissent pas. Je suis incompris, personne ne m’aime…

Les fêtes de fin d’année, la période, les contextes, les individus peuvent réveiller des blessures mal cicatrisées, ou trop fraiches. Ne pas pouvoir se retrouver en famille, avec ses amis suite à un décès, un éloignement géographique, une impossibilité matérielle… sont autant de situations qui amènent des souffrances, de la tristesse, de la colère, de l’anxiété qui font de cette période un moment difficile, douloureux.

C’est d’autant plus compliqué qu’il faut parfois se justifier devant l’incompréhension du plus grand nombre face à son souhait de replis, à son irritabilité, à sa sensibilité dans cette période où chacun, par convention, devrait être en liesse.

Les séparations, les divorces, les familles recomposées engendrent un tiraillement de devoir faire un choix : avec qui cette année ?

 

Finalement !

Ces fêtes de fin d’année sont le siège d’un méli-mélo d’émotions et de sentiments. Ce qui offre des cocktails détonants. L’ivresse peut être festive ou dramatique.

Nous sommes soumis à une pression sociale de la bonne humeur et de la joie affichée. Je nous invite à prendre de la distance et à déployer notre autonomie, en choisissant ce qui est bon et juste pour nous. C’est aussi prendre sa place, affirmer ses goûts et développer son assertivité.


[3] Echelle Holmes et Rahe (1967), ou échelle de pondération des événements de la vie

[4] Manuel d’Analyse Transactionnelle par Ian Stewart et Vann Joines

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